“Ça m’est égal que tel site ou telle application puisse avoir accès à mes données” , “Je ne vois pas ce qu’ils peuvent faire avec ça” ou encore “moi ça ne me dérange pas qu’on puisse voir ma vie sur les réseaux sociaux”.
Tant de phrases échangées innocemment, sans toujours réaliser ce qui est réellement en jeu : votre identité numérique et celle de vos pairs est comme un puzzle, où chaque pièce est morcelée, présente dans un data center différent : jusqu’au jour où des personnes mal intentionnées pourraient rassembler et utiliser toutes ces données à des fins de profilage ciblé, de manipulation, de fraude…etc.
Petit aperçu des dangers que vous pouvez rencontrer, vous et vos enfants :
– Phishing et vols de données : le plus courant – vous pensez que c’est un site officiel, vous y laissez beaucoup de données et il s’avère que c’était un pirate qui a recréé à l’identique votre boutique e-commerce préférée, voire même un site institutionnel ; comme récemment où le site de France Travail (ex Pôle Emploi) a été piraté laissant fuiter des dizaines de millions de données de ses usagers sur le darknet.
– Cyberharcèlement : Les enfants (et surtout les adolescents) peuvent devenir des cibles de cyber-intimidation, qui se manifestent par des moqueries, des menaces ou des messages désobligeants, souvent sur les réseaux sociaux. Ce harcèlement virtuel peut bien souvent impacter dans le réel et laisser des traces sur la confiance en soi, le bien-être mental. Souvent les harceleurs sont inconscients de la portée de leurs actions néfastes sur les autres. Ils n’arrivent pas à saisir la viralité et l’impact que peuvent avoir les insultes au sein du collège et au lycée, voire dans les autres établissements, centres de loisirs, clubs de sports et dans la vie de tous les jours. Cela peut laisser des traces sur le bien-être mental et sur leur confiance, car bien souvent les harceleurs ne se rendent pas bien compte de la viralité des insultes (dans tout le collège ou le lycée, voire dans les établissements aux alentours…)
– Usurpation d’identité : Les traces que vous laissez sur les sites internets que vous utilisez tous les jours (votre banque, votre boîte mail, votre mutuelle ou sécurité sociale…) peuvent être dupliquées et reprises contre vous : on peut contracter des prêts à votre place, se faire passer pour vous au téléphone etc.
D’autant plus qu’avec les nouveaux outils d’intelligence artificielle, il est de plus en plus facile de reproduire la voix et le visage de quelqu’un (deepfakes, clonage de voix) https://www.actuia.com/actualite/usurpations-didentite-deepfakes-les-voix-generees-par-lia-sources-darnaques-de-plus-en-plus-nombreuses/.
Il existe de nombreux dangers mais heureusement de nombreuses solutions de prévention existent également : sans être alarmiste, cet article a pour vocation d’aider les parents à mieux comprendre l’environnement numérique qui les entoure, ceux de leurs enfants et adolescents et à agir en fonction.
La santé de votre identité numérique, ça commence par les parents :
Voici quelques conseils pour vous assurer de donner le bon exemple à vos adolescents :
-Quand on se connecte / que l’on crée des comptes sur différents sites ou applications : Je génère un mot de passe unique à chaque fois, de préférence un mot de passe généré aléatoirement par un gestionnaire de mot de passe qui sauvegarde ce dernier pour éviter d’avoir à s’en souvenir.
L’outil Bitwarden est un bon gestionnaire de mot de passe gratuit
– J’essaie de créer le plus possible des e-mails temporaires ou des numéros de téléphone temporaires si il y a besoin d’une validation par téléphone
Deux outils que vous pouvez utiliser :
– https://temp-mail.org/fr/ pour les emails temporaires
– https://quackr.io/temporary-numbers/france pour les numéros de téléphone temporaires.
Pour les utilisateurs d’Apple par exemple, je peux créer un compte / se connecter avec Apple qui va générer un faux mail pour moi et me rediriger les informations.
Pensez également à activer dès que vous le pouvez l’authentification à deux facteurs (Google Authenticator) voir même triple facteur (SMS + Email + Authenticator) pour les applications importantes et sensibles : votre banque en ligne, vos photos partagées avec la famille, vos mots de passe.
Je suis responsable du temps d’écran et de la sécurité des mineurs qui se connectent à mes appareils.
– Le contrôle parental n’est pas une punition, il est là seulement pour assurer une vision et s’assurer que l’expérience “ne dérape pas”. Aujourd’hui toutes les applications ont une option contrôle parental que vous pouvez activer. La meilleure solution est que vous soyez présent aux côtés du mineur et que vous puissiez l’accompagner dans son usage.
– Le temps d’écran s’affiche quasi-systématiquement sur tous les appareils. Il ne s’agit pas de condamner fermement un temps d’écran prolongé, mais de pouvoir s’en servir comme base d’échange si on voit que l’enfant ou l’adolescent s’isole et s’enferme dans ses différents écrans . (C’est aussi valable pour vous parents qui passez 5 heures par jour sur Candy Crush 😄)
– Navigation privée, historiques et pseudos sur les sites : Ne laissez pas tomber vos enfants ou ados sur des contenus que vous regardez et qui seraient inappropriés pour eux. Les enfants et adolescents sont curieux et tout le monde sait déjà utiliser un moteur de recherche comme Google ou autre ;)“Si vous avez des activités sur internet que vous ne voulez pas qu’il tombe dessus , pensez à bien utiliser un pseudo et à ne pas relier votre vraie photo de profil sur des forums publics (forums de santé, sites de rencontre…etc.). Pensez également à nettoyer vos historiques de navigation et à vider votre cache en fin de session (même en navigation privée !
– Photo des enfants : Ayez bien en tête qu’en partageant les photos de vos enfants qu’ils n’ont pas consenti à l’usage de leur image et que ces photos vous n’en serez plus maître. Essayez le plus possible d’envoyer ces photographies via des messageries dites “chiffrées de bout en bout” comme Signal ou WhatsApp. Autrement, envoyez un lien de transfert de fichier comme Swisstransfer mais évitez de poster les visages sur Facebook, Instagram et ou X.
Les conseils pour protéger l’identité numérique de ses enfants :
Maintenant que vous vous êtes assurés que vos appareils numériques sont protégés pour vous et pour eux, vous pouvez laisser votre ado passer du temps dessus en toute sécurité. Voici quelques clés à lui transmettre pour s’assurer qu’il passe un bon moment (et que vous soyez rassurés)
Éviter de poster son visage ou de mettre son visage dans des icônes de profil : le B.A-BA de l’identité numérique des enfants
Il est tentant de partager des photos avec ses amis, mais poster des selfies expose à des risques : les photos peuvent être détournées ou utilisées sans son consentement. On peut également (très rapidement) retrouver l’identité d’une personne en mettant sa photo dans un moteur de recherche.
Expliquez-lui qu’il est plus sûr de partager des images sans visage ou d’utiliser des filtres et des avatars. De plus, cela permet de préserver son anonymat, ce qui est particulièrement important pour éviter tout contact non désiré.
L’outil Webmii peut également vous accompagner dans la compréhension de l’étendue de son identité en ligne.
Utiliser une carte bleue temporaire pour les achats en ligne
Lorsqu’il souhaite acheter quelque chose sur internet par exemple pour un jeu, proposez-lui de passer par une carte bleue temporaire ou une carte prépayée, même pour de petits montants. Il existe aussi des technologies de paiement dédiées aux mineurs comme par exemple Money Walkie.
Cela évite de partager les informations bancaires familiales et limite les risques en cas de piratage du compte. Les cartes virtuelles fournies par certaines banques ou applications sont parfaites pour cela, car elles expirent rapidement et ne sont valides que pour un seul achat.
Rester méfiant avec les inconnus, même dans les jeux
Le monde des jeux en ligne peut donner un faux sentiment de sécurité. Rappelez-lui qu’il doit rester vigilant, comme dans la rue, et ne jamais partager d’informations sensibles avec des inconnus, même si la personne paraît sympathique ou insiste pour devenir son « ami » en ligne. Beaucoup de jeunes sont tentés par les jeux en ligne car ils se sentent appartenir à une communauté qui leur permet d’avoir un monde à eux en ligne. . Il n’y a rien de négatif sur le fait de jouer en ligne, mais s’il se sent mal à l’aise ou que la conversation prend une tournure étrange, il doit immédiatement vous en parler et bloquer la personne.
Ne pas partager d’informations personnelles (adresse, école, téléphone)
Les informations personnelles sont la porte d’entrée vers l’identité d’une personne. Expliquez-lui qu’il est important de ne jamais partager ces informations avec des personnes qu’il ne connaît pas en vrai. Qu’il soit sur un réseau social ou dans un jeu, ces détails peuvent être utilisés pour le localiser, ce qui pourrait mettre en danger sa sécurité.
Utiliser des pseudonymes
Encouragez-le à utiliser un pseudo plutôt que son vrai nom, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les jeux ou sur des forums. S’il a vraiment besoin de mettre son prénom et son nom, le nom de famille peut être en initiale et la date de naissance modifiée.
En plus d’assurer un certain anonymat, cela le protège des personnes malintentionnées qui chercheraient à obtenir des informations sur lui. Suggérez-lui d’éviter les pseudos qui révèlent son âge, son année de naissance ou des informations qui pourraient le rendre identifiable.
Créer des phrases de passe renforcées
Au lieu d’utiliser des mots de passe simples, aidez-le à créer des phrases de mot de passe longues et difficiles à deviner. Par exemple, une phrase qui combine des mots aléatoires comme « TigreBleu1982!Pizza » sera plus sécurisée et facile à mémoriser. Il peut aussi utiliser une application de gestion de mots de passe comme Bitwarden (la vôtre, partagée par exemple) pour ne pas se rappeler de chaque mot de passe individuellement.
Ne pas ignorer les mises à jour
Les mises à jour sont souvent ennuyeuses, mais elles renforcent la sécurité des appareils en corrigeant des failles que des hackers pourraient exploiter. Encouragez-le à accepter les mises à jour dès qu’elles apparaissent, car elles protègent non seulement ses données, mais aussi l’ensemble des appareils familiaux connectés au même réseau.
Lire les autorisations d’application
Parfois, certaines applications demandent bien plus de permissions que nécessaire (accès à la localisation, aux contacts, à la caméra etc.)
Le dernier exemple en date est l’application populaire chinoise Temu, qui proposait en quelque sorte de racheter toutes les données personnelles de l’utilisateur contre… 100€ (source : article Next.Ink sur temu)
Montrez-lui comment vérifier ces autorisations dans les paramètres. Apprenez-lui à refuser les demandes suspectes et à se méfier des applications qui cherchent à en savoir trop.
Et pour que la collaboration numérique parents-enfants se passe bien :
– Essayez à chaque session de lui faire anticiper son temps d’écran : Qu’est-ce qu’il va en faire ? Est-ce qu’il veut apprendre quelque chose ? Ou juste se divertir et passer le temps ? Est-ce qu’il a d’autres alternatives qui lui font envie ?
– Lui proposer des activités numériques qui changent de leurs habitudes, qui soient ludiques et créatives comme CitizenCode.
– Ne pas sous-estimer sa capacité à apprendre des choses à travers le numérique. Aujourd’hui, les métiers du numérique sont en tension et c’est bien souvent à travers l’adoption de nouvelles technologies que les jeunes enfants ou les adolescents peuvent se trouver une passion pour des disciplines telles que la programmation, la création de jeux vidéos, le marketing digital, la création de contenu…etc.
Internet est vaste, sans fin et sans limite, peuplé de contenus magnifiques et d’autres peu ragoûtants . N’hésitez pas à échanger avec votre enfant de ce qu’il a pu voir et entendre pendant son temps d’écran à la fin de la journée, proposez lui de jouer et de discuter sur ce qui est positif ou négatif dans son expérience numérique !